Féminin-Masculin, le sexe de l'art

Un galeriste et un photographe nous livrent leurs impressions





par Alain Oudin, galeriste.

Une exposition académique au Musée National d'Art Moderne

Sous-titre : les croûtes sont de retour

ou encore : Orsay à Beaubourg ou les pompiers au centre G. Pompidou



Académique au sens où à côté d'oeuvres historiques du début du siècle, par exemple de BELLMER, BRAUNER, BRANCUSI, DUCHAMP, FONTANA, MAGRITTE MAN RAY, MOLINIER, PICABIA ou PICASSO etc... qui sont de véritables oeuvres de création, le plus souvent petites ou mêmes minuscules, la sélection contemporaine s'attache à des oeuvres, dont l'un des défauts est d'être inutilement monumentales et encore pire, d'être des palimpsestes de ces oeuvres historiques et pour la plupart, de verser dans le show-business et le complaisant, réinventant une version contemporaine des monumentaux pompiers du XIXe, que le Musée d'Orsay, dans le même schéma, valorise outrageusement au détriment des confidentiels et modestes impressionistes.

Maintenant des exemples !

De Louise Bourgeois, on rentre le long de ce monumental "piston tringleur", en rouge (le feu du cul) et noir (à comparer à la géniale petite horloge de Name June Paik qui raconte la même chose avec tellement d'humour !) et on passe plus loin dans une monumentale barrique de bois qui abrite une sorte de fontaine : on savait déjà que les pompiers ne peuvent se passer ni de l'eau, ni du feu et que le bois en reste l'aliment premier ! 2 oeuvres amphigouriques (prétentieux et obscur), alors que 13 autres oeuvres nous la présentent !

Les avatars de Marchel Duchamp sont légions et systématiquement agrandis comme si le gigantisme suppléait l'invention : que ce soient les urinoirs, bouteilles de parfums, travestissements, femmes à barbes, robes de mariées et jeux de mots... Pourquoi le musée boursouffle-t-il ? Les commissaires le sont-ils eux-mêmes ? Certaines de ces pièces sont de 1995, est-ce à dire des commandes ?

Avec deux révélations : Alberola est le gendre de Brancusi et Françoise Vergier est la belle-fille de Duchamp ! Ils sont gonflés ! Qui ? Ces artistes ou les auteurs des notices de catalogue ?

Vincent Corpet, Fischl, Léa Lublin, Paul Armand Gette, Kiki Smith, Robert Gober, Sylvie Fleury, Chacun dans son genre, de véritables pompiers, avec souvent des croûtes, nullissimes. Pourquoi cette sélection ? C'est la peinture d'histoire réinventée !




















par Hughes Bigo, photographe

L'exposition Féminin-Masculin était très attendue. On se régalait d'avance. Après un vernissage digne d'un concert de Madonna (attente, service d'ordre, contrôle, attente), force est de reconnaître que l'éléphant a accouché d'une souris.

-Tu as vu l'expo de Beaubourg? Alors?
-Bof! (commentaire érudit d'un critique d'art renommé)
-500 oeuvres, ça permet au moins de rafraîchir sa culture (un étudiant)
-Ces artistes, quelle imagination, mais parfois quel mauvais goût (une rédactrice de mode)
-La machine culturelle Beaubourg broie le désir d'art sans raffinerie sur l'origine informe du monde mis à nu par des histoires d'oeil célibataire qui suppure un jus chocolat (un jeune critique).

Bernard Marcadé (un des commissaires de l'exposition) : "Nous pensons que l'érotisme est une perspective qui a valeur subversive".
C'est bien là que le bas blesse. Cette exposition a une valeur éducative certaine, documentaire sûrement, c'est une jolie promenade dans l'histoire de l'art du XX siècle, mais la subversion, le trouble, les questions sont soigneusement mis à distance. Les oeuvres accumulées, au lieu de se répondre, se désamorcent les unes les autres, acculées à devoir montrer du sexe, elles débandent devant l'obligation. Bien que la formule aie trop servie, je dis que nous assistons ici à l'élaboration du politiquement correct, même.






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